Le roi Arthur et ses chevaliers ont fasciné les hommes médiévaux. Les XIIe et XIIIe siècles voient l'apogée de leur succès, et la légende arthurienne n'arrête pas de donner lieu à des best sellers. Le secret de ce succès réside dans la tension permanente qui s'établit d'un roman à l'autre entre deux systèmes de valeurs opposés: d'une part celui de la royauté, englobant le monde politique du souverain et des chevaliers qui sont ses mains, et centré sur la Table Ronde, d'autre part le système de le chevalerie celestielle, centré sur le Graal, et qui met à l'honneur les vocations chevaleresques à la sainteté. Cette guerre des valeurs, chère à l'axiologie moderne, génère la complexité de la fiction arthurienne, et aussi celle des caractères qui y évoluent : les personnages qui ont enregistré le plus grand succès littéraire, précisément Lancelot ou Perceval, sont justement ceux qui sont systématiquement tiraillés entre les deux systèmes, tension qui est probablement pour le roman arthurien ce que le psychologisme est pour les personnages de la littérature moderne.

Catalina Gîrbea